un des premiers Allemands à distinguer la valeur de Mörike, qu’il devait plus tard rendre populaire en Allemagne. Il ne lisait pas moins les écrivains anglais et français. Il aimait Rabelais, et se prenait d’une prédilection pour Claude Tillier, ce romancier provincial français, dont l’Oncle Benjamin fait le bonheur de tant de familles provinciales allemandes, en leur offrant, comme dit Wolf, le spectacle de leur propre petit monde, et le secours de sa joviale bonhomie pour en porter allègrement les tristesses. Le petit Wolf, ayant à peine de quoi manger, trouvait moyen d*apprendre le français et l’anglais, pour mieux pénétrer la pensée des artistes étrangers.
En musique, il apprit beaucoup de ses amis Schalk[1] ; mais surtout, comme Berlioz, il apprit aux bibliothèques : il y passait des mois à lire les partitions des maîtres. N’ayant pas de piano, il lui arrivait d’emporter ses sonates de Beethoven au Prater, et de les étudier sur un banc, en plein air. Il se pénétra des classiques, de Bach et de Beethoven, ainsi que des maîtres allemands du Lied, Schubert et Schumann. Il fut de ces jeunes Allemands qui aimèrent passionnément Berlioz, et grâce à qui la France devra plus tard d’être glorifiée dans ce grand artiste, que la critique française, tour à tour meyerbeerienne, wagnérienne, franckiste et debussyste, n’a presque jamais compris. Enfin il fut de bonne heure ami du vieux Anton Bruckner, dont nous ne connaissons en France ni les huit symphonies, ni le Te Deum, ni les messes, ni les cantates, ni rien de l’œuvre opulente, ni la personnalité attachante, douce, mystique, modeste, un peu enfantine, écrasée toute sa vie par le parti de Brahms, et qui, comme Franck chez nous, rallia
- ↑ Joseph Schalk était professeur au Conservatoire de Vienne. Il fut un des fondateurs du Wagner-Verein de Vienne, et consacra sa vie à propager le culte de Bruckner, qui l’appelait son « Herr Generalissimus », puis à lutter pour Wolf.