avec introduction et finale, sur un thème chevaleresque ». C’est en quoi l’art de Strauss, l’un des plus littéraires et descriptifs qui soient, se distingue profondément des autres de même sorte : par la solidité du tissu musical, où l’on sent le musicien de race, nourri des maîtres, et classique malgré tout.
Ainsi, partout, dans cette musique, une forte unité s’impose à des éléments désordonnés, souvent disparates. C’est le reflet, à ce qu’il me semble, de l’âme de l’auteur. L’unité n’est pas dans ce qu’il sent, mais dans ce qu’il veut. L’émotion est bien moins intéressante chez lui que la volonté, bien moins intense surtout ; et souvent elle manque de personnalité. L’inquiétude y est parfois de Schumann, le sentiment religieux de Mendelssohn, la volupté de Gounod ou des maîtres italiens, la passion de Wagner[1]. Mais la volonté est héroïque, dominatrice, passionnée, et puissante jusqu’au sublime. C’est par là que Richard Strauss est grand, qu’il est unique à présent. On sent en lui la force qui domine les hommes.
C’est par ces côtés héroïques qu’il est l’héritier d’une partie de la pensée de Beethoven et de Wagner. C’est par eux qu’il est un des poètes, le plus grand peut-être, de l’Allemagne actuelle qui se reconnaît en lui, comme en son héros. — Contemplons ce héros.
C’est un idéaliste qui a une foi sans bornes dans le pouvoir souverain de l’esprit et de l’art libérateur. Son idéalisme est d’abord religieux dans Tod und Verklärung, plein d’illusions juvéniles dans Guntram, tendre et compatissant comme une femme. Puis il s’irrite
- ↑ Dans Guntram, on croirait même à un parti pris de recourir franchement à une phrase de Tristan, comme si l’auteur ne pouvait trouver mieux pour exprimer le désir passionné.