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RICHARD STRAUSS.

c’est-à-dire les impressions les plus diverses et les plus variables de son esprit capricieux, est très marquée ici. Il est vrai qu’il s’appuie sur quelques thèmes populaires, dont le sens doit être facilement saisi en Allemagne ; et qu’il les développe, non pas tout à fait, comme il le prétend, en stricte forme de rondeau, mais avec une certaine logique : en sorte qu’à part quelques boutades, indéchiffrables sans programme, l’ensemble a malgré tout de l’unité musicale. La symphonie, très goûtée en Allemagne, me semble moins originale que les autres. On dirait d’un Mendelssohn très raffiné, avec de curieuses harmonies et l’instrumentation la plus compliquée.

Il y a beaucoup plus de grandeur et d’originalité dans le poème suivant : Also sprach Zarathustra, Tondichtung frei, nach Nietzsche (Ainsi parla Zarathustra, composition libre, d’après Nietzsche), op. 30[1]. Les sentiments sont plus largement humains, et le programme que s’est imposé Strauss ne se perd point en de minuscules détails pittoresques ou anecdotiques, mais est dessiné en quelques traits expressifs et majestueux. Strauss proteste de sa liberté vis-à-vis de Nietzsche. Il a voulu représenter les différentes étapes du développement que traverse un esprit libre pour arriver à l’Uebermensch. Ce sont là des idées purement humaines, et qui ne sont point la propriété d’un système de philosophie. Les sous-titres de l’œuvre sont : Von den Hinterweltlern (Des Idées religieuses), Von der grossen Sehnsucht (De l’Aspiration suprême), Von den Freuden und Leidenschaften (Des Joies et des Passions), Das Grablied (Le Chant des tombeaux), Von der Wissenschaft (De la Science), Der Genesende (Le Convalescent, l’Âme délivrée de ses désirs), Das Tanzlied (Le Chant de la danse), Nachtlied (le Chant de la nuit). On y voit l’homme, d’abord écrasé par l’énigme de la

  1. Composé en 1895-06, exécuté, pour la première fois, à Francfort-sur-le-Mein, en novembre 1896.