le château du duc. Après les emphatiques flagorneries des Minnesänger officiels, Guntram est invité à chanter. Découragé d’avance par la bassesse de ces hommes, sentant qu’il parlera en vain, il hésite, il est près de partir ; mais la tristesse de Freihild le retient, et c’est pour elle qu’il chante. Sa voix, d’abord calme et mesurée, dit la mélancolie qu’il éprouve au milieu de cette fête de la force triomphante. Il se réfugie dans ses rêves ; il y voit briller la douce figure de la paix. Il la décrit amoureusement, avec une tendresse juvénile, qui devient de plus en plus enivrée, quand il fait le tableau de la vie idéale, de l’humanité libre. Puis il peint la guerre, la mort, le désert et la nuit qui s’étendent sur le monde. Il s’adresse directement au prince ; il lui montre son devoir et l’amour du peuple qui serait sa récompense ; il le menace de la haine des malheureux que l’on pousse au désespoir ; enfin il presse les seigneurs de rebâtir les villes, de délivrer les prisonniers, de venir au secours de leurs sujets. Il termine au milieu de l’émotion profonde de l’assistance. Seul, le duc Robert, qui sent le danger de ces libres paroles, ordonne à ses gens de saisir le chanteur ; mais les vassaux prennent parti pour Guntram. Au milieu de cette lutte, on apprend que les paysans se sont de nouveau révoltés. Robert appelle ses hommes aux armes. Guntram, qui se sent soutenu par ceux qui l’entourent, fait arrêter Robert. Le duc se défend ; Guntram le tue. Alors se produit dans son esprit un revirement complet, dont nous aurons l’explication seulement au troisième acte. Dans les scènes qui suivent, il ne dit plus un mot ; il laisse tomber son épée ; il laisse ses ennemis reprendre leur autorité sur la foule ; il se laisse enchaîner et conduire en prison, tandis que la troupe des seigneurs part bruyamment, pour le combat contre les rebelles. Mais Freihild, pleine d’une joie cruelle et naïve, Freihild, délivrée par l’épée de Guntram, s’abandonne à son amour pour lui et veut le sauver.
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RICHARD STRAUSS.
