suite, un développement prodigieux. Mais il est vrai que Tod marque le sommet d’une époque de sa vie, l’œuvre la plus parfaite où se résume une période. Heldenleben sera la seconde étape, la seconde et plus haute cime de la période suivante. Combien ont grandi, depuis, la force et la richesse des sentiments ! Mais jamais il n’a retrouvé cette pureté délicate et mélodieuse de l’âme, cette grâce juvénile, qui brille encore dans l’œuvre suivante : Guntram, et semble s’effacer ensuite.
Depuis 1889, Strauss dirigeait à Weimar les drames wagnériens. Sous leur obsession, il se tourna vers le théâtre, et écrivit le poème d’un opéra : Guntram. La maladie vint interrompre ce travail, qu’il continua en Égypte. La musique du premier acte fut écrite de décembre 1892 à février 1893, du Caire à Louqsor. Le second acte fut terminé en juin 1893, en Sicile. Enfin il acheva le troisième acte en Bavière, au commencement de septembre 1893. Il n’y a pourtant pas trace de sentiment oriental dans cette musique, mais parfois des mélodies italiennes, une molle lumière, un calme un peu morne. J’y sens surtout une âme convalescente, alanguie, une âme un peu petite fille, qui rêve avec un sourire attendri, et des larmes toujours prêtes à couler. C’est sans doute, à ces impressions indéfinissables de convalescence que Strauss doit d’avoir conservé pour cette œuvre une affection secrète, à ce qu’il m’a semblé. Sa fièvre s’y est endormie. Certaines pages sont imprégnées d’un sentiment caressant de la nature, qui rappelle les Troyens de Berlioz. Mais, trop souvent, la musique est vide, conventionnelle ; et la tyrannie de Wagner s’y fait sentir, — ce qui est rare dans les autres œuvres de Strauss. Le poème est intéressant. Strauss y a mis