de temps en temps, et s’apaise dans ses souvenirs. Sa vie repasse devant ses yeux ; son enfance innocente, sa jeunesse heureuse, les combats de l’âge mûr, ses efforts pour atteindre le but sublime de ses désirs, qui lui échappe toujours. Il continue de le poursuivre et croit enfin l’étreindre ; mais la mort l’arrête d’un ; « Halte ! » de tonnerre. Il lutte désespérément et s’acharne, même dans l’agonie, à réaliser son rêve ; mais le marteau de la mort brise son corps, et la nuit s’étend sur ses yeux. Alors résonne dans le ciel la parole de salut à laquelle il aspirait vainement sur la terre : Rédemption, Transfiguration.
Les amis de Richard Strauss ont vivement protesté contre l’orthodoxie de ce dénouement, et Seidl[1], Jorissenne[2], Wilhelm Mauke[3], prétendent que le sujet est plus haut : c’est l’éternelle souffrance de l’âme combattant ses démons intérieurs, et sa délivrance, au sein de l’art. Je n’entrerai pas dans la querelle, tout en croyant que ce symbolisme banal et glacé a beaucoup moins d’intérêt que la lutte contre la mort, que l’on sent à toutes les lignes de l’œuvre. Œuvre relativement classique, et d’un sentiment large et majestueux, presque beethovénien. Le réalisme du sujet : les hallucinations du mourant, les tremblements de la fièvre, le battement du sang dans les artères, l’agonie désespérée, sont transfigurés par la pureté de la forme. C’est du réalisme à la façon de la Symphonie en ut mineur, et des dialogues de Beethoven avec le Destin. Supprimez tout programme, et la symphonie reste claire et poignante, par l’unité de son émotion intérieure. Pour beaucoup de musiciens en Allemagne, Tod und Verklärung est resté le sommet de l’œuvre de Strauss. Je suis loin de le croire. L’art du musicien a pris, par la