prendra la place qui lui appartient à la tête de notre organisation musicale française.
J’ai essayé de dégager la caractéristique de M. d’Indy, et j’ai cru la trouver dans la foi et dans l’action. Je ne me dissimule pas les erreurs inévitables d’un pareil essai. Il est si difficile de juger une personnalité, surtout en pleine vie, au milieu de son développement ! Tout homme est une énigme, non seulement pour les autres, mais pour lui. Il y a une grande présomption à prétendre connaître qui ne se connaît pas tout à fait soi-même. Et pourtant, l’on ne peut se dispenser de juger : c’est une nécessité, pour vivre. Aucun de ceux que nous voyons, aucun de ceux que nous connaissons, ou que nous disons connaître, aucun de nos amis, de ceux que nous aimons, n’est tel que nous le voyons ; souvent, il ne ressemble en rien à l’image que nous en avons : nous marchons au milieu des fantômes de notre cœur. Il faut juger pourtant, il faut construire, il faut créer, si nous ne voulons pas nous dissoudre dans l’inertie. Mieux vaut l’erreur que le doute, — pourvu qu’elle soit de bonne foi. L’essentiel est de dire ce qu’on sent et ce qu’on croit. Que M. d’Indy m’excuse, si je me suis trompé. Qu’il ne voie dans ces pages qu’un effort sincère pour le comprendre, et une grande sympathie pour sa personne, et même pour ses idées, que, d’ailleurs, je ne partage point. Mais j’ai toujours pensé que les opinions étaient de peu de prix dans la vie, et que seul importait l’homme. La liberté d’esprit est le plus grand des bonheurs ; il faut plaindre ceux qui ne la connaissent point. Il y a une douceur secrète à rendre hommage à de belles croyances, qui ne sont pas les nôtres.