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VINCENT D’INDY.

harmonique[1]. On y trouvera l’esprit de logique et de raison nette, un peu sèche, et simplifiant trop, mais lumineuse, d’un maître de la prose française. Ce sont les mêmes lois de bon sens, de vérité, d’unité, le même art du développement, les mêmes principes de la rhétorique classique du xviie et du xviiie siècle, que M. d’Indy applique à la musique. En vérité M. d’Indy pourrait écrire, s’il voulait, un Discours sur le style musical.

Mais, surtout, il a reçu les qualités morales de l’éducateur, — et la première de toutes, la vocation. Il a une croyance religieuse dans le devoir absolu, pour l’art, d’enseigner les hommes, et, ce qui est plus rare encore, dans la vertu efficace de cet enseignement. Volontiers il partagerait le mépris de Tolstoy, qu’il cite parfois, pour la niaiserie de l’art pour l’art. « À la base de tout art est cette condition essentielle : l’enseignement… Le but de l’art n’est pas le profit, ni même la gloire ; le vrai but de l’art est d’enseigner, d’élever graduellement l’esprit de l’humanité, de servir, en un mot, dans le sens du sublime : « Dienen », que Wagner met dans la bouche de Kundry repentante, au troisième acte de Parsifal[2]. » Il y a là un mélange d’humilité chrétienne et d’orgueil aristocratique. M. d’Indy a le sentiment profond de la solidarité humaine, et il aime le peuple ; mais il le traite avec une bonté affectueusement protectrice, et un peu dédaigneuse ; il le regarde comme un enfant, qu’il faut guider[3]. L’art populaire qu’il préconise n’est pas un art du peuple, mais d’une aristocratie qui s’intéresse au peuple. Il veut l’éclairer, le former, le diriger, au moyen de l’art. L’art est la source de vie ; il est l’esprit de progrès, il donne à l’âme le plus précieux

  1. Cours de Composition, pp. 42 et suiv., pp. 118 et suiv.
  2. Id., p. 10, et Tribune de Saint-Gervais, novembre 1900.
  3. Id., pp. 84, 185 et passim.