Peut-être la fait-elle parfois dans l’esprit même de M. d’indy. Je n’en veux indiquer qu’un trait assez curieux, parce qu’il me paraît d’un intérêt artistique général. M. d’Indy écrit lui-même les poèmes de ses « actions musicales ». L’exemple de Wagner a été contagieux. On a vu les dangers que la dualité des auteurs causait à l’harmonie de l’œuvre : on a cru y parer en écrivant soi-même paroles et musique. Mais on ne s’est pas aperçu que, dans un même artiste, il y a dualité entre ses facultés poétiques et ses facultés musicales. Un homme n’est pas du tout le même dans son art personnel et dans les autres arts : je ne parle pas seulement de son habileté technique, mais même de son esprit. Delacroix, peintre romantique, était en littérature un classique. Nous avons tous connu des artistes révolutionnaires en leur métier, qui restaient des conservateurs arriérés dans leurs jugements sur les autres arts… Cette dualité existe, jusqu’à un certain point, entre M. d’indy poète et M. d’Indy musicien. La raison s’entend-elle toujours chez lui avec le cœur[1] ? Certes, sa nature est trop aristocratique pour que le désaccord se montre au grand jour. Le cœur obéit à la raison, ou s’arrange avec elle pour sembler respecter son autorité et sauver les apparences. La raison, représentée ici par le poète, veut une action simple, réaliste, logique, avec un enseignement moral et même religieux. Le sentiment, représenté par le musicien, est romantique ; et, s’il s’écoutait tout à fait, il irait, de préférence, à tout autre sujet qui autoriserait davantage l’emploi de ses qualités
- ↑ Déjà, dans sa critique, son sentiment ne souscrit pas toujours aux décisions de son esprit. Son esprit proscrit la Renaissance, et son goût lui rend chers les grands peintres de la Renaissance florentine, ou les musiciens du xvie siècle. Il ne se tire d’affaire que grâce à d’extraordinaires compromis, en baptisant gothiques Ghirlandojo et Filippo Lippi, ou en décrétant que la Renaissance ne commence, en musique, qu’au xviie siècle (Cours de Composition, pp. 214 et 216.)