partie de la jeune école allemande se réclame de Berlioz ; la symphonie dramatique, qu’il créa, fleurit, germanisée par Liszt, de l’autre côté du Rhin ; le plus illustre compositeur allemand, à l’heure actuelle, Richard Strauss, subit son influence ; et Félix Weingartner, qui édite les œuvres complètes de Berlioz avec M. Charles Malherbe, a osé écrire : « En dépit de Wagner et de Liszt, nous ne serions pas où nous en sommes, si Berlioz n’avait pas vécu ». — Ce renfort imprévu, venant du pays de la tradition, a jeté le trouble parmi les partisans de la tradition classique, et rallié les amis de Berlioz.
Mais, ici, il y a un nouveau danger. S’il est naturel que l’Allemagne, plus musicienne que la France, se soit rendu compte, avant la France, de la grandeur et de l’originalité musicale de Berlioz, il est douteux qu’elle arrive à sentir parfaitement une âme aussi française. C’est peut-être à ce qu’il y a de plus extérieur en Berlioz, à son originalité purement formelle, que les Allemands sont le plus sensibles. Leurs préférences vont au Requiem plutôt qu’à Roméo. Un Richard Strauss s’attachera à telle œuvre presque insignifiante, comme l’Ouverture du roi Lear ; un Weingartner donnera à la Symphonie fantastique et à Harold une importance exagérée dans l’ensemble de l’œuvre de Berlioz. Ils ne sentent pas ce qu’il a de plus intime. — Wagner disait, sur la tombe de Weber : « L’Angleterre te rend justice, la France t’admire, mais seule l’Allemagne peut t’aimer ; tu es sa chose, tu es un beau jour de son existence, une chaude goutte de son sang, une parcelle de son cœur…[1] ». Je reprendrai ses paroles pour Berlioz. Il est aussi malaisé à un Allemand d’aimer vraiment Berlioz qu’à un Français d’aimer pleinement Wagner ou Weber. Il faut donc bien se garder d’accepter sans contrôle les jugements des Allemands
- ↑ Richard Wagner, Discours prononcé au dernier lieu de repos de Weber, 1844 (Trad. Camille Benoît.)