l’Océan, dont une introduction symphonique exprime le calme frémissant. Les marins reviennent au port ; la pêche a été mauvaise. Seul, un d’entre eux, « un homme de quarante ans environ, l’air noble et triste », a été plus heureux que les autres. Ils l’envient et le soupçonnent vaguement de sorcellerie. Il tâche en vain de lier conversation avec eux ; il offre en vain sa pêche à une famille misérable : ses avances sont repoussées, sa générosité suspectée. Il est un étranger, — l’Étranger[1]. — Le soir vient, l’angélus sonne. De jeunes ouvrières sortent de l’atelier en chantant une jolie ronde populaire, que M. d’Indy a recueillie dans sa province (il l’a notée dans ses Chansons populaires du Vivarais). Une des jeunes filles, Vita, qui, seule du village, est amie de l’Étranger, va près de lui, et lui parle. Ils se sentent attirés l’un vers l’autre par une secrète sympathie. Vita se confie naïvement à l’inconnu : ils s’aiment tous deux, sans se l’avouer. Mais l’Étranger résiste à son inclination : car Vita est jeune et fiancée ; et il ne se reconnaît pas le droit de la sacrifier à lui. Froissée de la froideur qu’il lui témoigne, elle cherche à le blesser, et elle y réussit. Il finit par se trahir. « Oui, il l’aime, et elle le savait bien. Mais, maintenant qu’il le lui a avoué, il ne la reverra plus, et il lui dit adieu. »
Tel est le premier acte. — Jusqu’à présent, il semble que nous soyons en présence d’un drame purement réaliste et humain : c’est l’histoire commune de l’homme qui fait le bien à des ingrats, et la triste tragédie de la vieillesse qui vient, sans refroidir un cœur qui ne peut
- ↑ Il y a, dans le sujet, une certaine analogie avec le Feuersnot de M. Richard Strauss. Là aussi, le héros est un Étranger, qui est persécuté et traité de sorcier par une ville dont il est l’honneur. Mais le dénouement est tout autre ; et la différence essentielle des deux tempéraments d’artistes s’y marque profondément. M. Vincent d’Indy finit par le renoncement chrétien, et M. Richard Strauss par l’affirmation orgueilleuse et joyeuse de la force.