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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

xviie siècle[1], cet éclectisme n’essaie-t-il pas de concilier des arts difficilement conciliables ? — Il faut songer de plus que M. d’Indy a été en relations directes, ou indirectes, avec les plus grandes personnalités musicales de notre temps, avec Wagner, Liszt, Brahms, César Franck, qu’il s’est laissé volontiers attirer par elles : car il n’est pas un de ces génies égoïstes qui portent en toutes choses la pensée de leur intérêt, de ces grands esprits carnassiers, qui ne voient rien, ne cherchent rien, ne goûtent rien, que pour s’en assimiler les énergies qui leur peuvent être utiles. Il se donne tout entier, heureux de rendre hommage à la grandeur des autres et de subir leur charme. Il parle quelque part « du besoin irrésistible de transformation » qui existe chez l’artiste[2]. — Pour n’être pas submergé par cette richesse d’éléments et d’influences opposées, il faut une grande force de passion, ou de volonté, qui élimine, ou choisit et transforme. M. d’Indy n’élimine presque rien : il organise. Il a dans sa musique des qualités de chef d’armée : l’intelligence du but, la volonté patiente d’y atteindre, la parfaite connaissance des moyens dont il dispose, l’esprit d’ordre, et la maîtrise sur son œuvre et sur soi. Malgré la variété des matériaux qu’il emploie, l’ensemble est toujours clair. On lui ferait volontiers le reproche d’être trop clair : il simplifie trop, peut-être.

Rien ne fait mieux saisir sur le vif la personnalité de M. d’Indy que son dernier ouvrage dramatique. Si, dans tout ce qu’elle crée, elle se montre toujours avec franchise, nulle part elle n’est plus transparente que dans l’Étranger[3].

La scène de l’Étranger est en France, aux bords de

  1. Tribune de Saint-Gervais, novembre 1900.
  2. Id., septembre 1899.
  3. L’Étranger, « action musicale en 2 actes », — poème et musique de M. Vincent d’Indy, — représentée pour la première fois, à Bruxelles, au théâtre de la Monnaie, le 7 janvier 1903.