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VINCENT D’INDY.


Dans un écartement de nuages, qui laisse
Voir au-dessus des mers la céleste allégresse…


En cela, Franck me paraît bien différent de M. d’Indy. Il n’avait pas, comme lui, un besoin impérieux de clarté.

La clarté ! c’est la marque de l’intelligence de M. d’Indy. Il n’y a point d’ombres en lui. Sa pensée et son art sont clairs comme son regard, qui donne tant de jeunesse à sa physionomie. C’est une nécessité pour lui de juger, d’ordonner, de classifier, d’unifier. Pas d’esprit plus français. On Ta souvent taxé de wagnérisme ; et il est vrai qu’il a subi très fortement l’influence de Wagner. Mais, même quand elle est la plus apparente chez lui, cette influence n’est que superficielle : l’esprit est tout autre. Vous trouverez dans Fervaal quelques arbres de la forêt de Siegfried ; mais la forêt n’est plus la même : des avenues y sont percées, le jour pénètre dans les cavernes du Nibelung.

Ce besoin de clarté est la loi principale de sa nature artistique. Et cela est d’autant plus remarquable que sa nature est loin d’être simple. Par le fait d’une large instruction musicale, d’un constant désir d’apprendre, elle s’est enrichie d’une quantité d’éléments divers et presque contradictoires. Il faut songer que M. d’Indy est un des musiciens qui connaissent le plus la musique étrangère ou passée ; les formes musicales de tous les temps et de tous les pays flottent dans sa pensée ; et il ne se décide pas tout à fait entre elles. Même en les réduisant à trois types principaux, qui lui semblent les modèles de la musique : « l’art décoratif des plain-chantistes, l’art architectural de l’époque palestrinienne, l’art expressif des grands Italiens du