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VINCENT D’INDY.

dent, au cours d’une lamentable existence, sans but, sans croyance[1] ! »

Du moyen âge, ce livre semble être encore par une sorte d’esprit scolastique d’abstraction et de classification : « Dans la création artistique, il y a sept Facultés mises en œuvre par l’âme : l’Imagination, le Cœur, l’Esprit, l’Intelligence, la Mémoire, la Volonté et la Conscience[2] » ; — par un symbolisme extraordinaire, qui retrouve en toutes choses (à ce que j’ai pu comprendre) l’empreinte des mystères divins, et jusque dans les pulsations du cœur, et dans le rythme ternaire, la marque de Dieu en trois personnes : « Admirable application du principe de l’unité trinitaire[3] ! » — Il est aussi de ces temps reculés par sa façon d’écrire l’histoire, non pas en remontant des faits aux lois, mais en déduisant au contraire les faits de certaines grandes idées générales, une fois admises, et non démontrées, comme celle qui revient souvent, que « le principe de tout art est d’ordre purement religieux[4] », — ce qui n’est rien moins que prouvé : — d’où il suivra que les chansons populaires sortent des cantilènes grégoriennes, et non les cantilènes sacrées des chansons populaires païennes, comme je croirais plutôt. L’histoire de l’art devient ainsi une sorte d’histoire du monde, d’après une conception morale. On pourrait la diviser en deux parties : avant et après l’Orgueil, « Dominé par la foi chrétienne, le redoutable ennemi de l’homme, l’Orgueil, s’était rarement manifesté au moyen âge dans l’âme de l’artiste. Mais, avec l’affaiblissement

  1. Vincent d’Indy, Cours de Composition musicale, p. 132.
  2. Id., ibid., p. 13.
  3. Id., ibid., p. 25, note 3. Ainsi, Philippe de Vitry, évêque de Meaux, au xiiie siècle, appelait « parfaite » la mesure ternaire, parce qu’elle est « dérivée de la Trinité, c’est-à-dire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, où réside la perfection suprême ».
  4. Id, ibid., pp. 66, 83 et passim.