Brahms[1]. Il s’enthousiasma pour ses œuvres. Liszt trouva en lui un des premiers et des plus ardents champions de cette musique nouvelle, dont il était le chef, — de cette « musique à programme », que le triomphe de Wagner paraissait avoir étouffée dans l’œuf, et qui vient soudain de revivre aujourd’hui dans les œuvres de Richard Strauss, avec un éclat prodigieux. « Liszt est un des grands compositeurs de notre époque, — écrit M. Saint-Saëns. — Il a osé ce que n’avaient osé ni Weber, ni Mendelssohn, ni Schubert, ni Schumann. Il a créé le Poème symphonique. Il est l’émancipateur de la musique instrumentale… Il a proclamé le règne de la musique libre[2]. » Ce ne sont pas là des opinions d’un jour, exprimées par M. Saint-Saêns dans un moment d’enthousiasme. Ce sont les idées de toute sa vie. Toute sa vie, il est resté fidèle à son culte pour Liszt, — depuis 1858, où il dédiait un Veni Creator « à l’abbé Liszt », jusqu’en 1886, où, quelques mois après la mort de son ami, il dédiait « à la mémoire de Franz Liszt » la Symphonie avec orgue, son chef-d’œuvre[3]. « On ne s’est pas fait faute, écrit-il, de railler ce qu’on a appelé ma faiblesse pour les œuvres de Liszt. Lors même que les sentiments d’affection et de reconnaissance qu’il a su m’inspirer[4] viendraient, comme un prisme, s’interposer entre
- ↑ « C’est ce qui m’a fait aimer la musique de Liszt, qui ne s’inquiète pas du qu’en dira-t-on, qui dit ce qu’elle veut dire sans se préoccuper d’autre chose que de le dire le mieux possible. » (Cité par Hippeau.)
- ↑ Cette citation est extraite de Harmonie et Mélodie et de Portraits et Souvenirs.
- ↑ Dans Harmonie et Mélodie, M. Saint-Saëns raconte qu’il organisa et dirigea au Théâtre-Italien un concert, composé uniquement d’œuvres de Liszt. Mais tous ses efforts pour faire apprécier Liszt du public français échouèrent.
- ↑ L’admiration était réciproque : c’est Liszt qui fit donner et dirigea en 1877, à Weimar, Samson et Dalila. M. Saint-Saëns dit
même que, sans Liszt, il n’eût pas écrit son œuvre :
« Non seulement c’est Liszt qui a fait représenter Samson et