pas les mêmes ; il y a aussi bien des différences entre leurs caractères : Mendelssohn est beaucoup plus naïf et plus religieux ; M. Saint-Saëns, plus dilettante et plus voluptueux. Ils n’en ont pas moins une parenté d’esprit, par leur science érudite, mais de bonne compagnie, par la pureté de leur goût, par ce sens de la mesure et ce génie de l’ordre qui donne à tout ce qu’ils font un caractère néo-classique. — Quant aux influences directes que M. Saint-Saëns a subies, elles sont si nombreuses qu’il serait bien difficile, et assez audacieux, de prétendre dégager celles qui ont agi nettement sur sa pensée. Car, si son remarquable don d’assimilation l’a poussé quelquefois à écrire dans le style de Wagner ou de Berlioz, de Haendel ou de Rameau, de Lulli ou de Charpentier, voire de quelque claveciniste ou clavicordiste anglais du xvie siècle, comme ce William Byrd, dont les airs s’enchâssent tout naturellement aux airs d’Henry VIII, — c’est là un franc pastiche, un amusement de virtuose, et dont il n’est jamais dupe. Il manie sa mémoire à son gré ; il n’est point gêné par elle. — Autant qu’il est permis d’en juger, la substance de sa pensée musicale est formée de la moelle des grands classiques de la fin du xviiie siècle, — beaucoup plus encore, quoi qu’on ait dit, par Beethoven, Haydn et Mozart, que par Bach. — La séduction de Schumann l’a aussi touché, et il n’a été indifférent ni à Gounod, ni à Bizet, ni à Wagner. Mais les influences prédominantes semblent bien avoir été celle de Berlioz, son ami et son maître[1], et surtout celle de Liszt. Il faut s’arrêter à ce dernier nom.
M. Saint-Saëns devait aimer Liszt, et il l’aima, pour tout ce qu’il avait de libre, d’antitraditionnel, d’antipédantesque, pour le défi qu’il avait jeté à la routine allemande. Il l’aima par réaction contre l’école guindée de
- ↑ « C’est grâce à Berlioz que toute ma génération s’est formée, et j’ose dire qu’elle a été bien formée. » (Portraits et Sonvenirs.)