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quait lui-même ses bonnets… Il réussit à enflammer l’opinion. À Bombay, les dames de grande famille se mettent au rouet. Hindoues et musulmanes font vœu de ne plus porter d’autre étoffe que les tissus nationaux. La mode s’enthousiasme pour le Khaddar ou Khadi, dont Rabindranath Tagore lui-même reconnaît le bon goût. Les commandes affluent ; il en vient jusque du Beloutchistan et d’Aden.

L’enthousiasme alla un peu loin, quand il s’agit de boycotter les tissus étrangers ; et Gandhi lui-même, si maître de lui à l’ordinaire, paraît avoir perdu la mesure. Il ordonna de les brûler, comme un emblème d’esclavage ; et l’on vit à Bombay, en août 1921, comme au temps de Savonarole, Christo regnante, sur la Place de la Seigneurie, des bûchers de splendides étoffes de famille, consumées par le feu, au milieu d’une joie tumultueuse. Un des plus généreux esprits anglais de l’Inde, C.-F. Andrews, ami de Tagore, écrivit à Gandhi, qu’il admirait, une lettre pathétique, déplorant qu’on brûlât ces étoffes au lieu de les donner aux pauvres, et qu’on fît appel aux mauvais instincts de race. Il