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tion. Mais beaucoup s’irritaient de ces lenteurs, ils protestaient contre la suspension de l’ordre de révolte et disaient qu’on étouffait la ferveur du pays. Un parti présenta un vote de censure contre le Comité d’action et demanda que ses ordres fussent annulés. Gandhi l’emporta pourtant. Mais il souffrit profondément. La majorité même qui le suivait ne lui fit pas illusion. Il ne la sentait pas sincère. Et plus d’un qui votait pour lui, derrière lui l’appelait « Dictateur ». Il se savait, au fond, en désaccord avec le pays. Il le dit, avec son intrépide franchise, le 2 mars 1922 :

« Il y a dans la majorité tant de courants cachés de violence, conscients ou inconscients, que j’ai prié pour une défaite désastreuse. J’ai toujours été en minorité. Au Sud-Afrique, j’ai commencé avec l’unanimité, je suis descendu à une minorité de 64, et même de 16, et je suis remonté de nouveau à une énorme majorité. Le travail le meilleur et le plus solide a été fait dans le désert de la minorité… J’ai la peur de la majorité. Je suis écœuré de l’adoration de la multitude sans jugement. Je sentirais le terrain plus ferme sous mes pas, si elle crachait sur moi… Un ami m’a averti de ne pas exploiter ma dictature… Loin de l’avoir exploitée, je me demande si je ne me laisse pas moi-même « exploiter » ! J’avoue que j’en ai une terreur comme