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colères s’amassent derrière l’écluse, et malheur lorsque l’écluse craquera ! Lorsque Gandhi préside au bûcher des étoffes précieuses à Bombay, en août 1921, et répond aux adjurations éplorées d’Andrews, l’ami de Tagore, par son Éthique de la Destruction[1], il croit qu’« il transfère la rancune du peuple des hommes sur les choses ». Mais il ne s’aperçoit pas que la rancune du peuple se fait la main, et qu’elle pense : « Les choses, d’abord ! Ensuite, les hommes ! » Et il ne prévoit pas qu’en ce même Bombay, moins de trois mois après, le peuple tuera les hommes. Il est trop saint, trop pur, trop dénué des passions animales qui sont tapies dans l’homme. Il ne songe pas assez qu’elles sont là, qui l’écoutent et happent ses paroles. Tagore, plus clairvoyant, remarque l’imprudence des non-coopérateurs, qui, en toute innocence, rappelant sans relâche les torts commis par l’Europe, professent la non-violence, en inoculant à l’esprit populaire le virus de la fièvre qui amènera la violence. Ils ne s’en doutent pas, les apôtres qui ne

  1. 1er septembre 1921.