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Gandhi ne refuse nullement la coopération des Européens, à condition qu’ils se conforment à l’idéal salutaire qu’il offre à tous les hommes.

Cette vraie pensée de Gandhi est infiniment plus large, plus humaine, plus universaliste[1] que celle de l’Évangile publié sous son égide. Pourquoi donc y a-t-il donné son nom ? Pourquoi laisse-t-il enfermer son grandiose idéal, qui s’offre à toute la terre, dans les limites étroites d’une théocratie indienne ? Redoutables disciples ! Plus ils sont purs, et plus ils sont funestes. Dieu préserve un grand homme de ces amis qui ne saisissent qu’une partie de sa pensée ! En la codifiant, ils détruisent l’harmonie, qui est le principal bienfait de son âme vivante !

  1. À mon sens, Gandhi est aussi universaliste que Tagore, d’une autre façon. Il l’est par la conscience morale, Tagore par l’intelligence. Gandhi n’exclut personne de la communion de la prière et du travail quotidien. Ainsi, l’apôtre des premiers temps ne distinguait pas entre juifs et gentils ; mais à tous il imposait la même discipline morale. C’est ce que veut Gandhi. Mais là justement est son étroitesse : non dans le cœur, qui est aussi large que celui d’un Christ, mais dans l’esprit d’ascétisme intellectuel et de dépouillement. (Et cela aussi est du Christ !) Gandhi est un universaliste médiéval. Tout en le vénérant, nous sommes avec Tagore.