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— « Dis ! »

Il ne le prenait pas au sérieux. Elle voyait, de profil, sa joue sourire. Elle tapa du pied :

— « Tu es stupide ! Ne ris pas ! »

Il retourna la tête, étonné :

— « Qu’as— tu ? »

Elle le fixait, avec des yeux sombres :

— « Je t’ai trompé. »

Il ouvrait les yeux, sans comprendre.

— « Non, pas trompé ! » reprit-elle. « Je ne cache rien de ce que je fais… J’ai aujourd’hui… j’ai… » (Elle se troublait… Ces yeux effarés, craintifs, sans défense, qui l’interrogeaient !…) « Je ne sais pas comment cela s’est fait… » (Elle aurait pu dire : « J’ai été prise », mais sa fierté s’y refusa ; elle réagit, elle fut brutale, pour en sortir)… « J’ai… je viens de coucher avec un autre. » (Elle n’avait pas besoin de le nommer. Elle avait plus d’une fois, dans les récits provocants qu’elle lui faisait de ses journées à la Représentation, attiré son attention jalouse sur Djanelidze.)

Elle vit les prunelles de Marc se dilater, sa bouche s’ouvrir… Il fallait le temps pour que le coup pénétrât : Assia revit un gosse de la rue, sur la main de qui, en jouant, une roue de voiture avait passé : il continuait de sourire encore, jusqu’au moment où l’atroce douleur reflua ; et il hurla…

IMarc ne hurla pas ; mais subitement sa face se contracta, et dans sa gorge son souffle s’arrêta. Il haleta :

— « Tu mens !… »

Il supplia :

— « Dis que tu mens ! »

Elle était glacée d’orgueil et d’effroi :

— « Je dis ce qui est. »

Jamais elle n’eût prévu ce visage. Un animal blessé, fou de douleur, et des yeux d’assassin… Avant qu’elle