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méfiant ; et il fallait lui rappeler qu’en politique il vaut mieux écouter que parler, avant d’agir… Années à mouches ! Elles pullulaient sur l’Europe de ces temps. Celles de l’O. V. R. A. italienne étaient particulièrement harcelantes, à Paris. La colonie antifasciste avait toujours à s’en défendre ; et ce n’était point un de ses moindres troubles : car l’ignominie de personnages, dont l’honorabilité paraissait jusqu’alors établie, se révélait subitement ; même des hommes, des amis, dont on se croyait sûr, s’avéraient, trop tard, des rabatteurs de la police secrète du fascisme, qui venaient cueillir les victimes et les pousser dans les filets. Tant avait crû, dans ces couches véreuses d’après-guerre, et particulièrement dans les jeunesses désorbitées, l’appétit du lucre et de l’infamie. Assia avait un flair, qui se trompait rarement ; et plus d’une fois, elle brûla les ailes de quelques insectes qui voulaient se faufiler chez Marc ; un certain ton, un certain regard, suffisaient à les faire s’éclipser : ils se gardaient d’insister. Mais il suffisait d’une heure d’absence : Marc résistait mal aux appels qui étaient faits à sa fierté ou à sa pitié : il ouvrait facilement sa bourse et sa confiance.

Le camp communiste était à peine moins dangereux. La guerre avait appris aux gouvernements à utiliser les vices honteux qui sont tapis dans la bedaine de tant d’ « honnêtes gens » — « honnest Iago » — qui ne demandent qu’à les nourrir, ou (encore mieux !) à être nourris par eux. Leurs aptitudes, qui s’ignoraient, à trahir, moucharder, dénoncer, étaient richement cultivées. Suivant les traces expérimentées de la vieille sainte Russie des Tsars et du grand maître ès-perfidie politique, l’Intelligence Service, soutien de l’Empire Britannique, les chefs de la démocratie française maniaient maintenant l’agent provocateur,