Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et il chantait :

— « Mourir pour Mélanie est le sort le plus doux… »

Mais Ginette, qui était prête aussi à ce qu’on mourût pour elle, observait, intriguée, le visage de Marc qui se détournait avec dépit. On fit la dînette ensemble, dans la demi-nuit ; et Marc s’humanisa, au point de se laisser mettre à la fin les bouchées dans le bec ; et même il lécha le doigt de Ginette, qui était frotté de chocolats Mais Ginette cria : le chiennot l’avait mordu ! Il s’excusa, honteux, et se leva, disant que maintenant il rentrait au logis. Mais les trois autres protestèrent. La rue était encore agitée, il y avait du danger. Ginette se glissa par l’entre-bâillure de la porte, et alla en reconnaissance. Elle revint, assurant que la police barrait les sorties de la petite cité. Marc ne fut pas convaincu de sa véracité ; et il s’entêtait à sortir. On n’y consentit pas. Son éraflure à la joue le désignait au premier regard. Et Ginette s’aperçut que le veston avait été déchiré à l’épaule. Elle le lui fit ôter, afin de le recoudre. En l’enlevant, on découvrit, entre les trous de la chemise lacérée, que l’épaule était rouge, bleue, verte, et meurtrie. Pourquoi ne le disait-il pas ? Ce fut occasion à Ginette et à Mélanie de montrer leur science d’infirmières. Elles y prenaient goût.

Il n’était plus question de partir, cette nuit. On s’occupa du campement. Dans l’arrière-boutique, grande comme un double placard et sans fenêtre, il y avait un divan-couchette qu’on dédoubla, les matelas par terre… C’était la guerre !… « Et maintenant, choisis ta tienne ! »… Marc, abominablement gêné, irrité, écœuré, cherchait tous les moyens de se dérober. Mais il n’y en avait pas. Les deux hôtesses s’offraient, tout simplement, à la bonne franquette. Quoi de plus naturel ? Il ne pouvait pourtant pas désobliger ces bonnes filles, et jouer le Joseph : (le rôle n’était pas de son goût !) Aucun moyen de s’expliquer. Luce, qui avait