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différences de natures, de vos deux races, (elles sont une partie de l’attrait) : vous aurez le temps de sentir leurs arêtes qui vous raclent le gosier ! Il eût été peut-être plus sage de ne pas accrocher à leur appât vos petits boyaux. Qu’est-ce que vous aviez besoin de vous marier ? Vous ne vous en fussiez aimés que mieux… Mais puisque c’est fait, c’est fait, on ne le déferait plus qu’en déchirant les petits boyaux ; et les miens aussi saigneraient. Tout ce que je vous dirais, ou rien, c’est la même chose. Alors, mes petits, aimez-vous bien ! À votre manière, et non pas à la mienne. Je sais que vous êtes, l’un et l’autre, meilleurs que vous n’agissez. Chacun à part est faible, faible… Tâchez que vos deux faiblesses fassent une force ! Je te confie à mon garçon. Je te confie mon garçon, ma fille. »

Assia appuya la bouche sur l’épaule de Annette, et ne trouva plus rien à dire que :

— « Mamotchka… »

Elles restaient toutes deux, joue contre joue, sans bouger. Assia, avec son extrême lucidité et sa loyauté de contrôle intellectuel (inopérant contre les assauts de sa nature), remâchait au fond de sa bouche ce que venait de dire Annette ; et elle convenait que c’était vrai, que c’était fou qu’elle qui traitait le mariage comme une institution surannée, tînt à passer sous ses fourches, afin de se lier. Si même le mariage, au lieu d’être, comme désormais, une porte sans loquet, que le divorce rouvre à volonté, s’il eût été, comme jadis, une cage sans issue, je crois que tous les deux, elle et Marc, l’eussent préféré ! Il y a des heures de l’amour, où l’on aspire à la prison à perpétuité. On dit au jour : — « Tu ne passeras pas… » C’est la folie de violenter la nature…

Annette la connaissait. Elle qui, contre son menton sentait battre la tempe de Assia, elle entendait, elle comprenait ce qui se passait sous ce front. Dans son acquiescement à ce qu’elle n’aurait pu empêcher, il