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Assia grondait :

— « Des bêtises !… Croyez-vous que je n’aie pas couché vingt fois dans l’eau, comme aujourd’hui ? »

Annette, sans lui répondre, parla du sommeil de Marc, et instantanément, le corps rebelle s’immobilisa. Dans le miroir, piqué de taches, en face, au mur, elle vit se refléter le sourire de Assia, auquel le sien répondit. Il était leur enfant, à toutes deux. Les deux femmes étaient d’accord…

Les doigts agiles de Annette avaient déshabillé Assia, de la tête aux pieds. Un corps robuste et souple, qui ne répondait pas aux lois de la beauté esthétique, qui était fait pour la marche, la lutte, l’amour, l’enfantement. Les attaches solides. La peau très brune, nette, serrée, avec des coulées de vieil or. Elle reluisait d’eau… Annette l’épongea. Assia se laissait faire. Elle n’avait plus rien à cacher. Elle avait tout montré : le dedans et le dehors. Les deux femmes causèrent, tandis qu’elle était nue.

— « Pourquoi aimez-vous Marc ? »

— « Je l’aime parce que je l’aime. »

— « Je demande pour quoi ? »

Assia avait bien compris :

— « Pour quoi ? Comment je l’aime ?… Je l’aime, comme on aime, — parce qu’on a faim. Mais on n’a pas seulement faim, du corps. Cette faim-là, on la trompe. Je l’ai plus d’une fois trompée. — Mais il y a l’autre faim, qu’on ne peut pas tromper, et qui ne se trompe pas : j’ai faim de vérité, j’ai faim de propreté. Et votre fils est vrai, il est propre de pensée. Il est propre, comme vous… Allons ! je sais ce que je dis. Et vous le savez aussi… Croyez-vous que l’on s’y trompe, quand on s’est, comme moi, six années débattue dans le croupissoir de ces âmes d’aujourd’hui ? Et que lorsqu’on en rencontre une, intacte, qui émerge, on ne se jette pas dessus ? »

— « Mon fils n’est pas plus innocent peut-être, et