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décidée à ne point céder la place. De brefs regards s’entre-croisèrent, droits et rudes. Annette dit :

— « C’est vous. Madame, qui m’avez télégraphié ? »

Assia dit, sans bouger la tête :

— « C’est moi. »

Anette lui tendit la main. Assia la prit. Les deux mains étaient sans chaleur. Elles signaient le pacte. Annette alla dans la chambre à côté, du geste invitant Assia à la suivre, et elle lui dit :

— « Racontez ! »

Il est naturel qu’une mère ait des droits. Mais ceux que Assia s’était arrogés s’y heurtaient. Et son instinct se cabra, contre l’involontairement impérieux de cette voix et de ce geste. Il y eut quelques secondes de muet engagement entre les volontés des deux femmes. Leur conscience le perçut à peine, mais leurs forces étaient tendues, comme un cheval sous la main qui serre la bride. Puis, le cheval céda. Assia parla. Elle exposa brièvement la marche de la maladie. Elle ne dit rien sur les rapports existants ou non entre elle et Marc. Mais elle prit un plaisir obscur à faire savoir à cette autre que le lit où dormait son fils était le sien. Annette, dont le regard rapide étudiait les deux chambres pendant qu’elle parlait, n’eut aucun doute que cette femme fût la maîtresse de Marc. Pour son esprit sans préjugés, dès lors Assia ne fut plus une étrangère. Et son attitude se détendit. Assia ne s’en expliqua point la cause. Elle restait froide et durcie, devant ces yeux graves, qui s’étaient adoucis.

Les deux femmes ne songeaient point à se faire comprendre l’une à l’autre. Il y avait là cet homme à sauver. Toutes deux s’allièrent pour sa défense. Elles mirent en commun leur expérience. Annette fut frappée de la maturité de celle de Assia et de la sûreté de sa pratique. Avec une froideur prompte et précise, la jeune femme, sans hésiter, faisait les gestes nécessaires. Pas un de trop. Pas un à faux. Devant la mère