Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée

cher le sien, comme les moineaux de Paris dans le crottin. (Et même le crottin se fait rare, dans la ville qui pue la benzine d’autos.)

Il se consumait éperdument, sans pouvoir jamais trouver l’aliment et le repos indispensables à entretenir un jeune corps qui brûle par tous les bouts. En fin de compte, il avait attrapé, pour un temps, un emploi mal rémunéré et fatigant de placeur et poseur d’appareils de radio. (Comme tous les garçons de son âge, — même les moins inclinés aux sciences, — il tripotait les « mécaniques », avec aisance). Il se trouvait donc enrôlé dans l’équipe de ceux qui brassent cette machine invraisemblable à fabriquer la bouillie cérébrale du nouveau genre humain, en le bourrant d’une macédoine de bruits, sons musicaux et leur vermine (on les appelle : parasites), chuintements, grincements, grondements, pétarades électriques, sifflets qui crèvent le tympan, — une tour de Babel de sermons et de réclames d’apothicaires ou de tribuns, une foire sur la place de « m’as-tu vu ? » de la politique et des tréteaux, jazz et chorals, pas-redoublés et symphonies, juxtaposés, superposés, à deux, à trois, à cinq étages, — un défilé de cornets à piston et de clairons, ( « Dieu ! que j’aime les militaires ! » ) avec la Neuvième de Beethoven — une parade électorale, sur une mélopée de Debussy, — ou le grand-gousier d’un commis-voyageur toulousain, duellant avec le vocifero d’un ténor de Milan… Ce défilé abracadabrant de tous les pays, par rangs d’ondes, qui fait de la carte de l’Europe un puzzle, où toutes les langues, où toutes les races sont malaxées sous le rouleau en une seule pâte qui n’a de nom qu’à Capharnaüm… Mais il faut bien songer aussi — (nul mal sans bien !) — à l’extase hallucinée des pauvres vieux Schulz abandonnés, cloués au foyer, que vient visiter dans leur lit telle divine messagère, expédiée des lointains du monde…

Marc, surmené, astreint tout le jour au maniement