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On ne causa point, le lendemain. Quand Marc rentra de son travail, attardé, Ruche déjà s’était évadée, — le tas de linge bien rangé, une seule paire de chaussettes sur la table, avec sa paire de brèches étalée, par où devaient passer au moins six sur les dix doigts. C’était comme une impudente carte de visite, qui disait : — « On me reverra demain. »

On la revit. C’était samedi. On avait l’après-midi pour causer. Elle était assise sur le lit. Lui, sur une chaise, à califourchon. Ils se brûlaient les doigts à leurs cigarettes, en oubliant de les fumer. L’intimité s’était faite, sans la chercher, tout uniment. Ruche se dévidait de ses mystères. Belle forfanterie que ses amants ! Elle n’en avait jamais eu d’autre que celui de l’embuscade de l’autre nuit. Elle convenait railleusement, avec un cynisme de parade, que dans sa vie très libre à Paris et qui avait couru après les risques, elle n’avait jamais pu se décider à sauter le pas : une répulsion quasi-physique l’en défendait, au dernier instant. — « Cependant, protestait-elle, je suis entière, je suis saine, j’ai des besoins, je n’ai pas peur de les satisfaire, je l’ai bien vu avec cet idiot-là !… Mais pourquoi faut-il que ce soit précisément avec cet animal, ce grand cheval… (Je voudrais lui casser le fouet sur le dos)… plutôt qu’avec quelqu’un qui me ragoûte… par exemple, toi ?… »

Marc la laissait parler. Puis, il dit :