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Quand il fut rentré chez lui et qu’il fit le compte de sa journée, il ne savait plus lequel des trois il haïssait le plus : Véron, Chevalier, ou Ruche… Plus tard seulement, très tard dans la nuit, le visage de Ruche, qu’il s’acharnait à redessiner, afin de pouvoir mieux le détester, lui apparut ravagé. Quand il était là, en face d’elle, il n’avait vu que la dureté des yeux, la haine qui ronge. Il voyait les traits. Elle aussi était rongée… Tant pis ! Tant mieux !

Les jours suivants passèrent sous le joug de l’obsession perpétuelle. Il s’obligeait à travailler ; il le fallait bien ! Il était pris par son métier ; mais il se faisait un classement de l’esprit : tout le métier s’opérait machinalement ; toute la pensée était sucée par l’idée. Il n’avait aucun moyen d’agir. Le seul soulagement fut d’écrire à sa mère. Elle ne pouvait rien lui conseiller. Mais ils partageaient leurs misères. C’était un pacte entre eux tacitement conclu. Marc avait senti un flot de fierté et de gratitude au cœur, quand, la première, Annette lui avait écrit des choses qu’une mère n’a point l’habitude de confier à son fils, — les choses toutes droites, les choses toutes crues de sa vie et de ses combats, ainsi que fait un compagnon à un compagnon. Il ne lui avait rien dit de son émotion. Mais il avait payé son écot en faisant, depuis, assaut de confiance avec elle. Cette confiance, de sa part, allait fort loin ; et Annette était parfois interloquée ; mais