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image, dans l’ombre éternelle. Il continuait de se répéter : « Simon… Simon… » Et le ricanement de Véron lui fit remonter la rage au cœur. Il monologuait :

— « Cette canaille l’a dévoyé. Il lui a mis au ventre l’alcool, la fureur de l’or et des femmes, comme aux renards de la Bible, la torche en feu ; il l’a lâché, fou de torture, dans les blés. Et du supplice, et de l’incendie, le gredin se frotte les mains… »

Et dans les siennes, ses longues mains, il sentit, lui aussi, des démangeaisons d’assassin. — Mais il s’aperçut qu’on le regardait, il fit un violent effort sur lui-même, il serra les ongles contre les paumes ; et, d’un coup, redevenu froid, il examina la marche à suivre.

Ils ne pouvaient laisser sombrer Bouchard, sans un secours ! Il fallait battre le rappel des compagnons… Les compagnons ! Où étaient-ils ? En était-il encore ?… Jean-Casimir était à Prague, deuxième attaché à l’ambassade. Adolphe Chevalier, secrétaire particulier d’un ministre, toujours en route et en banquets… Ils se souciaient bien de Bouchard !… Il fallait les y forcer. Mais où les saisir ? Jean-Casimir, il n’y avait pas à y songer ! Marc lui griffonna, à un bureau de poste, une carte-lettre incohérente et impérieuse, qui était plutôt faite pour le blesser. Après l’avoir jetée dans la boîte, il eût voulu la reprendre. Trop tard !… Tard ou tôt, on ne pouvait compter sur lui… Jean-Casimir n’en perdrait pas, pour un homme à la mer, une soirée. Marc se mit à la chasse de Chevalier. Si peu de sympathie que celui-ci eût jamais marquée pour Bouchard, il professait du moins, en principe, le sens de la camaraderie ; il trouverait peut-être son intérêt de camarade à étouffer, autant que se pouvait, le scandale de l’affaire ; et par ses femmes de ministres, il avait les bras longs… Marc courut au ministère de la rue de Grenelle ; il fut de là