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Un jour que Marc, n’ayant en poche que quelques francs à dépenser pour son manger, était allé les boire au café — (oh ! sans excès ! sa déraison n’avait pas les moyens de s’exercer… Mais quand il se trouvait, comme ce matin, las, écœuré, sans appétit, il n’avait pas le courage d’ingurgiter une viande de mauvaise qualité, mal présentée, qui lui répugnait, il préférait prendre un café noir avec un marc qui lui était un stimulant, au détriment de son estomac), — il y joignait l’autre stimulant de la lecture des journaux. En première page d’un quotidien, son regard tomba sur un portrait, sensationnellement déformé ; mais il le reconnut, du premier coup, ce front bas, bourrelé au-dessus des yeux, sillonné de gros plis, ce mufle de gorille en colère… Simon… Simon Bouchard… C’était bien lui ! Au-dessus de la tête, à l’étal, la boutique annonçait, en manchette :

« Un assassinat en express. Le bandit est arrêté… »

Marc renversa son petit verre de cognac. Il lut sans voir. Il relut, en se forçant à mâcher chaque mot. Le fait ne laissait aucune place au doute. Dans l’express de Paris à Vintimille, entre Dijon et Mâcon, la nuit, un voyageur qui dormait avait été étranglé, sur sa couchette. Le meurtrier, surpris au sortir du compartiment, avait sauté du train en marche et roulé sur le ballast, où on l’avait ramassé, la face