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vie, ils ne craignent rient tant que l’uniforme. Il était, en cela, pour son malheur, bien fils de Annette !.. (Elle avait eu, plus d’une fois, à en pâtir ; et son pire remords était que son fils en pâtît, pour elle…). Même si Marc eût vu au fond de Bernadette la vie informe et reptilienne qui remuait la bourbe de la mare (elle remue au fond de presque chacun de nous), il l’eût honorée de plus d’attention qu’il n’honorait la plate surface de la mare, la froide vie de la petite bourgeoise monotone.

Sylvie, moins sage que Bernadette qui la suppliait de ne pas s’en mêler, eut beau prêcher à son neveu les avantages d’une femme qui administrât, avec une sage économie, son strict domaine domestique, et qui le laissât d’autant plus libre au dehors. Mais cet idéal familial de « proprio » qui touche ses rentes et sa femme, par coupons, en gardant les titres enfermés dans sa banque, n’est plus de mise à notre époque, qui ne peut plus se renfermer à la maison : elle veut de continuels déplacements, — l’âge revenu du « Wanderer ». La femme peut-elle être, pour « le Voyageur », le compagnon de route qui partage sa perpétuelle instabilité, l’insécurité journalière du corps et de la pensée ? C’était la question. — Si elle eût été posée à Bernadette, celle-ci eût répondu, avec un soupir de renoncer à la maison, mais fermement, — puisqu’elle l’aimait ! —

— « Oui, je le veux. Donc, je le peux. »

Et elle l’eût pu, au moins pour un temps. Elle était brave. Elle eût affronté tous les dangers pour ce qu’elle voulait, pour ce qu’elle aimait. Mais si sincère que fût ce « Oui ! », seul le corps l’aurait suivi ; l’esprit, non. Elle eût promis au-delà de ce dont elle disposait. Elle se fût appliquée en vain : elle eût été perdue, hors de chez elle ; et fatalement, elle eût réagi : (c’était son droit). Ç’aurait été une pierre attachée au talon de l’homme, et qui le tire en arrière. En fin de compte,