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La décision était prise par Timon d’établir son quartier-général à Bruxelles, d’où il avait à faire de fréquentes expéditions en Allemagne, à Londres, et ailleurs. Annette avait consenti, non sans hésitations, à l’accompagner. Il avait abdiqué tout orgueil pour la prier de le suivre. Elle l’avait vu déjà dans de mauvaises heures — (c’étaient peut-être les bonnes) — avec un sombre désir de tout briser, de faire crouler sur lui la maison, pour écraser avec lui ces hommes ! Lassitude, écœurement, certains désastres personnels, dont il ne parlait pas, — une femme qui s’était tuée, une belle actrice de Paris, en pleine fleur, dont il s’était grisé, qu’il avait voulue, achetée, emportée dans une croisière sur son yacht, et qui, un jour où le joug du maître était trop lourd, s’était noyée, pour échapper… L’homme implacable en avait été ébranlé jusqu’à la base. Lui qui avait passé par tant de ruines qu’il avait faites, sans l’ombre d’un remords, il portait celui-ci, inexplicable, au cœur. Peut-être parce que ce choc venait à une heure d’affaiblissement. Peut-être parce qu’il avait été atteint profondément par cette passion, qu’il avait traitée comme une aventure, sans ménagements, et dont il n’avait reconnu le prix unique qu’après qu’il l’avait saccagée. Il s’en était confié à la seule Annette, et d’autres confidences avaient suivi qui avaient montré à l’écouteuse le plus pitoyable, le meilleur, l’humain, caché dans le cyclope. En le con-