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session ; et en l’arrachant, elle lui érafla rudement les lèvres. Elle était furieuse. Lui, aussi. Il gronda ;

— « Je te dégoûte donc bien ? »

Elle souffla :

— « Oui ! »

Ah ! comme il eût joui de la broyer !… Mais il se dompta, et la grosse tête, vaincue, s’inclina :

— « Pardon ! « 

Annette se vit, à son tour, en Assurbanipal. Et c’était elle qui écrasait sous son talon le crâne rasé du roi nègre. Seulement, la vision d’un instant… Ce fut comme si elle l’avait fait. Ses orteils dressés en frémirent de satisfaction. Elle dit après, apaisée :

— « Les honneurs du pied… Fin de la chasse… Allons, Timon, terminons-en avec cette histoire ! »

Timon, relevant la tête… (Cette sacrée femme l’interloquait )… vit la bouche de Annette, — la blessure, qui s’éclairait d’un sourire dur… Tout de même, le pont rompu était rétabli. Il y passa.

— « Terminons-en ! Je te prends au mot. »

— « Je ne l’ai point dit. Je n’ai point fait mes conditions. »

— « Tu ne pars plus, » dit-il, assuré.

— « Je n’ai rien dit. »

— « Tu viens de parler de conditions. Je les accepte. Tu ne pars donc plus. »

— « Je resterai donc, dit Annette, haussant l’épaule, jusqu’à ce que les affaires en train soient réglées. »

— « Bon ! fit Timon. Ce ne sera pas demain. »

Annette regrettait la parole imprudente. Timon le vit, et fut bon prince :

— « Je ne veux point te garder malgré toi. S’il t’est trop dur de me supporter, après la scène d’hier soir, je le comprends : quitte-moi ! J’ai besoin de toi, tu m’es beaucoup plus qu’un secrétaire, tu m’es un frein. Mais ce n’est pas drôle, d’être un frein à un animal de ma sorte. Je le reconnais. Tu as tous les droits de dire :