Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

Timon s’agita, décontenancé.

— « Qu’est-ce que tu veux ? Une indemnité ? »

— « Vous feriez bien, pour commencer, de me demander pardon. »

Demander pardon n’était pas dans les habitudes de Timon. On écrase, ou on est écrasé. Le pardon qu’on demande ou qu’on donne n’a point cours : c’est temps perdu. Il eût trouvé plus naturel que Annette lui cassât une dent. Elle vit son hésitation et dit :

— « Mais n’en faites rien, si la pensée n’en vient pas de vous ! Je m’en soucie ! Et j’aime mieux vous prévenir que cela ne changerait rien à ma décision. »

— « Et quelle est-elle ? »

— « Ne plus avoir affaire à vous. »

Timon remua ses terribles sourcils ; on voyait qu’un combat se livrait sous son front et dans ses mains qui se crispaient. Puis, il dit :

— « Je ne puis pas t’y forcer… Ah ! je ne dis pas que si je pouvais… » (Et ses mains recommencèrent à s’agiter. Annette le vit en Assurbanipal, et elle, l’échine sous son pied…) « Mais si pourtant je te le demandais ?… »

Il fut sur le point de lui dire : « Combien veux-tu ? » Mais son instinct l’avertit que parler d’argent en ce moment serait le plus sûr moyen de rompre. Il dit, il fut étonné de s’entendre dire :

— « Si je t’en priais !… Si je… »

Depuis un moment, il fixait le pied nu de Annette à demi sorti de la babouche, qu’elle balançait, les jambes croisées, distraite, hautaine. Et avant qu’il eût le temps de réfléchir, il s’était penché, il l’avait saisi et il appuyait dessus sa bouche lippue.

Annette ne se donna pas davantage le temps de penser. Elle ne modéra point sa répulsion. Elle dégagea violemment, avec courroux, son pied du mufle qui se permettait, même par hommage, d’en prendre pos-