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aucunement étonnée, lorsque, vers la tombée du soir, s’étant enfin paisiblement assoupie, elle fut tirée de sa torpeur par le timbre de la sonnette. Elle n’hésita point entre les noms des visiteurs. Et s’étant levée pour ouvrir, il lui parut tout naturel de voir encadrée dans le chambranle de la porte la puissante carrure de Timon. Ils n’échangèrent aucun salut. Elle fit le geste : — « Entrez !… » et passa devant. Il la suivit, se mettant de profil pour passer par le couloir étroit. D’un tour de main, elle referma le lit ouvert. Mais aucun regard à son miroir. Elle resserra seulement sa robe de chambre, indiqua un siège bas à Timon, s’assit dans le fauteuil près de la fenêtre et, sans un mot, elle attendit. Rien dans le visage de Timon ne trahissait ses intentions. Il était sombre et sourcilleux. Il savait ce qu’il avait à dire. Il entendait ne pas apporter d’excuses. Mais quand il vit, dans cette face aux yeux sévères, la bouche tuméfiée, il oublia ce qu’il venait dire, il ne vit plus que cette bouche et, gauchement, pour parler, il demanda des nouvelles de sa santé. Elle dit froidement : — « Bien » — sans se donner la peine de rien ajouter. Et comme après quelques instants à s’observer, elle voyait ses yeux toujours collés à la blessure elle lui dit, la désignant :

— « Du beau travail !… Vous êtes content ?… »

Et elle montra la dent cassée.

Timon serra les poings, avec colère, et gronda contre lui :

— « Salaud !… »

Annette continuait de le toiser. Il dit :

— « Injurie-moi ! »

Annette dit, dédaigneuse :

— « C’est inutile. Vous vous en chargez, pour moi. »

— « Qu’est-ce que je puis faire ?… Te payer ta dent ? Ça ne suffit pas… Si une de mes dents de chien pouvait la remplacer !… »

— « Non, fit Annette, ne parlons pas de chiens !