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Elle le regarda, en terminant, droit en face. Il ouvrit la bouche, près d’éclater ; puis, le front plissé se détendit, la bouche violente eut un rictus ; et presque égayé, il dit :

— « Allons, assieds-toi là, la blanchisseuse ! »

— « Je n’ai rien blanchi, je vous l’ai dit. Je vous rends le paquet tout aussi… propre que je l’ai reçu. » Elle s’assit.

— « Oui, tu veux dire que tu y as sali tes mains. »

— « Oh ! vous pensez que mes mains ont eu bien d’autre linge sale à remuer ! Non, je ne suis pas une dégoûtée. »

— « Alors, fais-moi l’honneur de m’expliquer pourquoi tu t’es permis de changer et ci et ça ! »

— « Est-ce que j’ai le droit de vous dire la vérité ? »

— « Il me semble que tu le prends, sans demander ! »

— « Eh bien, quand je vous vois, dans un article qui a de l’allure, risquer de compromettre l’effet par des bévues de collégien, est-ce que ce n’est pas vous rendre service que discrètement les corriger ? »

Timon rougit au cou. Il dit, vexé :

— « Sous-maîtresse, eh ? Où as-tu été pionne ? »

— « La dernière fois, dans les marais de Roumanie. »

— « Qu’est-ce que tu me chantes ? Je les connais. J’y ai traîné mes bottes. »

— « Moi, j’y ai laissé une des miennes ; et depuis, j’ai beau frotter, il doit m’en rester encore de la boue sous l’ongle. »

— « Tu as roulé, à ce qu’il paraît ? »

— « Comme vous, comme tous, depuis dix ans. Mais je n’y ai pas, comme vous, amassé mousse. »

— « Tu n’as pas du moins perdu la tienne. Tu as du crin. »

— « Il le faut bien, puisque je vis ! Ceux qui sont glabres, d’âme ou de cuir, en notre temps, la vie a tôt fait de les liquider. »

— « Il en reste trop encore sur la route ! »