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la belle, sans rancune !… Mais c’est entendu ! Tape, littéralement ! »

Annette avait la tête dure. Elle entendait ce qui lui plaisait. Elle tapait, du bout des doigts, dégoûtée. Ça lui collait à la pulpe, c’était gras. Elle avait envie de les essuyer. Et ça sentait. Elle fronçait le nez… Tout de même, ça sentait le mâle ! C’était puissant. Et par moments, il y avait de ces coups de griffes qui broyaient les os… Une rude bête… Dommage qu’on n’osât pas — non l’émonder ! c’était à prendre ou à laisser — mais lui épargner les trappes, où il allait se jeter gratuitement — des fautes énormes, de langue, d’histoire, de science, etc. Que diable allait-il s’empêtrer là ?… « Et pourquoi donc est-ce que je n’oserais pas ?… Je le trahirais, en n’osant pas… Je ne vais pas passer mon temps ici à grelotter dans ma peau, comme ces froussards… J’oserai. Et j’ose… »

Elle osa. Elle corrigea hardiment — non les ordures de langage (elles sont les couleurs de son écusson, il faut les lui laisser), mais ses bévues. Permis au singe d’être singe ! Mais non pas âne. « Je coupe les oreilles. Garde le reste ! »

Le sous-chef n’y vit que du feu. Il n’eut pas la patience de vérifier. Mais rien n’échappa à Timon. Ce ne fut pas long. À peine la copie lui fut portée, que le furieux appel, de nouveau, retentit.. Le sous-chef retrottina chez le cyclope, faisant le gros dos. Il en ressortit presque aussitôt, blême de peur et de rage, et, de ses petites jambes torses de basset, il courut à Annette, lui criant :

— « Sale bête !… Je t’avais pourtant avertie !… Eh bien, ma petite, va, va !… Il veut te voir… Ah ; cochon de femme !… tu vas trinquer !… »

Il s’étranglait de colère… Annette se leva, tira sa robe, alla vers l’antre, s’efforçant de garder l’air très calme : — (tout de même, son cœur sautait rudement dans la cage) ! Nul n’en vit rien. C’était l’essentiel.