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— « Non non non non ! »
épouvantée.

Annette la regarda dans les yeux, n’insista pas ; elle s’installa, côte à côte, dans ses draps. La nuit se refit. Elles se taisaient. Une heure après, le carrelage branlant du couloir cria sous des pas ; la porte d’à côté s’ouvrit ; on entrait dans la chambre que Annette avait laissée. Annette, soulevée sur son coude, écoutait. Stefanica, qui feignait de dormir, écoutait aussi ; et un souffle angoissé la trahit. Derrière le mur, l’homme excité — (il se trouvait, presque toutes les nuits, dans un état de demi-ébriété) — était furieux de la déconvenue ; il remuait les draps et barrissait. Annette, que la colère envahit aussi, empoigna rudement Stefanica aux épaules ; elle la sommait à voix basse d’avouer, et lui soufflait à la face des mots ignominieux en roumain : (en toutes langues, ce sont les premiers qu’on apprend, avec ceux qu’il faut pour manger). L’autre, éperdue, continuait de nier obstinément — jusqu’au moment où, dans la dispute, tomba sur le carreau la clef cachée sous l’oreiller. Le galant joué avait vidé la chambre, faisant claquer la porte avec dépit, et s’éloignait, en piétinant comme un buffle. Les deux jeunes filles, bouleversées de honte et d’émotion (elles venaient seulement de comprendre avec horreur leur trahison), se jetèrent à genoux, en larmoyant, baisaient, mouillaient les mains de Annette, demandaient pardon. Elles étaient sincères. Stefanica se désolait bruyamment, frappait de ses poings sa poitrine robuste qui résonnait, et elle voulut passer le reste de la nuit, couchée aux pieds de Annette. Elles se rendormirent, en reniflant leurs gros sanglots d’enfants fouettées On ne pouvait pas leur en vouloir. Mais se fier à elles, pas davantage.

Annette voulait partir, dès le lendemain. Mais les petites la supplièrent, avec des cris et des transports