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Il ne revient pas. Le dur garçon amasse en lui sa rancune. Il ne pardonne point sa défaite. Pas seulement celle de cette nuit, dont il n’arrivera jamais à savoir ce qu’elle fut. (Et c’est le plus cuisant ! Car, l’autre sait… Qu’est-ce qu’elle sait ?..) Mais la défaite de tous ces jours qu’il a vendus à ce monde ennemi : (ne s’est-il pas fait entretenir ?) Et il y a pire encore : la défaite de la jouissance que dans cette défaite il a goûtée. Cette vermine de profiteurs et de prostitués, qui vit sur la misère du monde, — et lui aussi, s’y est mêlé ! Et lui aussi, il se flétrit de l’injure de « prostitué »… Point d’excuse ! Sa faiblesse n’en est point une. Il la connaissait mieux que quiconque. Il se mentait, quand il se disait qu’il serait le plus fort. Il se le disait, à l’heure même où il trahissait. Il trahissait, par complicité avec l’obscur désir qui le brûlait de jouir de cette fleur de luxe dépravé, de tous ces fruits d’un monde pourrissant. Il le justifiait menteusement par l’excuse des droits de l’esprit qui doit voir et connaître, pour mieux combattre. Eh bien, il avait vu maintenant, — et il s’était vu ! Et certes, rien de tout cela ne serait perdu. Il revenait, chargé de dépouilles. Mais dans ces dépouilles, il y avait aussi la sienne : « Marc le prostitué »… Il le foulait aux pieds, avec ce monde auquel il s’était accouplé. — Il se châtia. Par une réaction d’ascétisme furieux, il fit le serment de châtrer en lui tous ces instincts traîtreux qui l’avaient livré à l’ennemi. Il s’imposa une discipline de dur travail, de gêne austère et d’abstinence totale de la femme. Vaincre sa nature, la reforger, en la broyant sous le marteau. Bon moyen, pour accumuler au fond de lui les révoltes de l’ennemi violenté ! Mais l’inhumain est, à cet âge, souvent l’unique moyen de salut. Car, à cet âge, chez des garçons de cette trempe, il n’est de choix qu’entre les extrêmes. Marc choisit celui des « Côtes de fer ». Il emboîta son jeune corps maigre, brûlant de fièvre et de faiblesse, dans une armure d’implacable