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s’agite, on ne sait pourquoi. On meurt, on rentre dans le je ne sais quoi, on ne sait pourquoi… Il n’y a qu’une chose qu’on sait pourquoi : on s’ennuie ! Et tout ce que l’on fiche ici-bas, est à la seule fin de ne pas penser que l’on s’ennuie… »

Marc est frappé de l’amertume subitement révélée. Il voit la brusque fatigue qui vient de s’imprimer aux bouffissures des yeux et aux plis de la bouche excédée. La femme s’est livrée, dans un moment d’éreintement. Mais elle a vite fait de se redresser, d’un coup d’échine. Elle a refoulé tout le lourd bagage qu’elle traîne dans ses fourgons. Et elle repart en campagne, avec sa mine de défi et d’ironie, où passe un éclair d’irritation. Ce sot neveu, avec ses sornettes, qui lui a fait remâcher l’herbe amère ! Il commence à lui échauffer les oreilles. — « Plastronne, mon petit ! Fais ton Caton ! Caton, catin. La première venue t’aura, quand elle voudra, fera de toi ce qu’elle voudra. Tu as besoin qu’on te rabatte la crête… » — Elle reprend son jeu et son activité enragée.

Marc n’est pas injuste, à son égard. Il sait très bien que Sylvie ne cède jamais à l’oisiveté. Il la voit qui mène de front le labeur et le plaisir ; elle continue durement de travailler et de faire travailler ses employées, elle ne débride jamais. Elle n’estime, au vrai, que le travail, — quel que soit le travail, — et elle méprise les bêtes de luxe, de « ne rien faire », qu’elle exploite : elle n’aurait aucun scrupule à les détrousser. Il y a en elle, comme en beaucoup des filles du peuple de Paris, un fond de pétroleuse de la Commune, qui, à un moment donné, aurait tôt fait de faire flamber — et vivement ! — la société. Mais elles n’ont aucune idée raisonnée de Révolution sociale organisée. Et une Sylvie n’en veut pas entendre parler. La petite bourgeoise et la pétroleuse font, en elle, ménage ensemble. C’est le même pétrole à enduire la Cour des Comptes, qui sert à chauffer le fourneau. Quant à la logique des