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terrompt au milieu de sa phrase, se lève en lui lançant un regard de colère, et part impoliment. — Elle n’a pas bougé. Quand il est dans la rue, il se dit que s’il remontait et s’il rouvrait la porte, n’importe à quel moment, cette nuit, dans huit jours — ses yeux rencontreraient, de l’autre côté de la table, la vrille de ces prunelles entre les cils mi-clos, et son bec ironique d’où fume un filet bleu de la cigarette qui brûle entre ses doigts longs. Il tape du pied, dans la rue. Il se jure qu’il fera chaud, avant qu’il y retourne ! Mais ainsi qu’à un enfant dépité, lui passent dans le cerveau des rages de l’ouvrir, l’insolente, et son œil effronté, comme on ouvre un coquillage au couteau, pour voir ce qu’il y a dedans…

Sa solitude accrue, et sous la peau l’incendie allumé par la peau douce-amère de la petite nocturne, il passa quelques jours dans un ébranlement moral et physique, où il ne parvenait plus à retrouver sa route. Il se forçait au travail, comme on se jette à l’eau ; mais l’eau rejetait l’épave. Plus de force ! Goût à rien. Agir, penser ? Quoi ? À quoi bon ? Et toujours, d’heure en heure, ce trou de la volonté s’élargit et l’aspire, comme un suçon… C’était comme s’il avait senti, collées à son flanc, de grosses lèvres avides. Sa substance s’écoulait, son énergie fuyait… La pente irrésistible… La fuite, la fuite… Non !… Il s’accroche des ongles au bord… Si je tombe, je ne remonterai plus !… Le torrent est en bas. Il a beau fermer les yeux, il l’entend, et sous ses ongles, le grésillement du sablon qui s’éboule, la pierre qui se déchausse… Il ne lâche point, il est lâché… Et, un soir, Sylvie entre, et, d’un coup de talon, envoie rouler la pierre et l’araignée qui pend au bout…


— « Allons, ouste ! Je t’emmène !… Assez perdu ton temps !… Et ne me dis point que tu le gagnes, à bayer !… Tu bayais, oui-dà, je t’y ai pris… Eh bien, tu bâilleras pour quelque chose, chez moi. Tous les Ennuis les plus