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Elle la trouva seule dans son salon. Le cœur de la jeune fille bondit. Elle n’en laissa rien voir. Le cœur se resserra. Impeccablement mise, comme si elle eût attendu la visite, casquée de ses cheveux d’or pâle, bien tirés, sans une boucle folle, le front dégagé, volontaire, bombé, l’expression hautaine et fermée, Erika se leva sans hâte, et, répondant d’un bref bonjour au salut d’Annette, lui désigna une chaise, avec un froid sourire. Elle était sous les armes. Mais l’œil exercé de l’autre savait déshabiller les âmes. Tandis qu’elles échangeaient les banales politesses, ce regard observait la gorge maigre qui se contractait. La jeune fille crispait, au coin gauche des lèvres, comme une fleur provocante, un sourire agressif ; et elle ne parvenait pas à maîtriser un frémissement de sa bouche pâle, sa parole heurtée, son trouble, sa rancune, sa peur, son amertume. Annette en jouit lentement, savamment, — sans remords : elle connaissait maintenant la suite de l’histoire… Mais la suite de l’histoire dépendait d’elle seule ; et elle n’était point pressée… Elles parlèrent de robes, des danses nouvelles, du pays et du temps. Et, du bout de la langue, Annette se mouillait les lèvres, délicatement…