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de laisser des regrets, de frapper l’admiration… Il chercha une grande feuille de papier écolier, la plia de travers — (il était pressé) — et, de son écriture mal assurée d’enfant qui s’appliquait, il écrivit :

« Je ne peux plus vivre, parce qu’elle m’a trahi. Tout le inonde est mauvais. Je n’aime plus rien, alors j’aime mieux mourir. Toutes les femmes sont menteuses. Elles sont lâches. Elles ne savent pas aimer. Je la méprise. Je demande, quand on m’enterre, qu’on mette sur moi ce papier : « Je meurs pour Noémi. »

À ce nom chéri, il pleura ; il appuyait son mouchoir sur sa bouche, pour ne pas faire de bruit. Il essuya ses larmes, il relut ses lignes, et pensa gravement :

— Je ne dois pas la compromettre. Alors, il déchira la page, et il recommença. Ses lignes désespérées, malgré lui, s’envolaient en fusée. Arrivé à la phrase :

— « Elles ne savent pas aimer, »

il continua :

« Moi j’ai su, et je meurs. »

Il fut, dans sa douleur, très satisfait de sa phrase ; elle le consola presque. Cela le disposa à la bonté pour ceux qui restaient ; et, généreusement, il termina :

— « Je vous pardonne à tous. »

Il mit sa signature. Quelques secondes encore, et tout serait fini ; il serait délivré ; et il voyait d’avance le bel effet produit !

Mais comme il s’appliquait à repasser la plume sur le paraphe puéril, où l’encre avait manqué, la porte du petit cabinet s’ouvrit brusquement derrière lui. Il eut juste le temps de cacher sous ses bras l’arme et les papiers. Annette ne vit que la glace posée sur le dictionnaire, et crut que Marc était en train de s’admirer. Elle ne fit pas de remarque. Elle semblait terriblement