Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’inquiète point si une natalité mal réglée perpétue dans le peuple la misère, la maladie, et l’asservissement. Elle en fait un devoir national et religieux. Philippe ne doutait pas des fureurs qu’il soulèverait. Mais jamais un danger ne l’avait arrêté. Il fonça droit dessus. Elles dépassèrent son attente.

Il s’était fait haïr par une multitude : ses collègues d’abord, les pontifes lésés dans leur amour-propre, leur doctrine et leurs intérêts, les rivaux supplantés, nombre de ses partisans mêmes à qui il ne ménageait pas la vérité, — car il n’était pas homme à faire avec ceux qui le louaient marché de compliments, et le moindre de ses défauts était la reconnaissance : il prenait ce qui lui était dû, et il ne rendait que ce qu’il jugeait mérité : il ne rendait pas grand’chose ! Solange seule exceptée, la qualité de bienfaiteur ne lui en imposait guère. Point de traitement de faveur ! Il pouvait donc s’attendre à être bien attaqué et mal défendu. Il gênait les manœuvres des profiteurs de l’idéal. Chaque fois que s’organisait une noble flibusterie philanthropique, on était sûr de le voir se mettre à la traverse ; il avait un plaisir scandaleux à ficher le nez des gens vertueux dans leurs trigauderies. Aussi s’était-il fait, dans les milieux respectables, une réputation (sollo voce) de très mauvais esprit, destructeur, anarchiste. Ces chuchotements ne s’étaient pas encore risqués jusqu’à l’oreille publique, — la monstrueuse oreille du Pasquino : la presse à calomnie. Ils attendaient le moment. Eccolo ! La belle occasion !… Ce fut une explosion de colère patriotique. Tous les journaux s’en mêlèrent. L’écho de l’indignation publique parvint au Parlement, où d’immortelles paroles furent prononcées pour revendiquer les droits des pauvres à une famille copieuse. Quelques exaltés déposèrent une proposition de loi qui sévît contre toute propagande incitant, d’une façon directe ou indirecte, à la dépopulation. Les exagérations d’une presse libertaire, où l’égoïsme du plaisir prenait le