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de ma diatribe ! Mais je sors d’une séance, d’une dispute avec une bande de tartuffes de l’entretien officiel des maladies, c’est-à-dire de l’Hygiène ; j’étais plein de colère et de dégoût à étouffer ; et quand je vous ai vue, vos yeux clairs, votre franche démarche, tout en vous fier et sain, j’ai pris égoïstement une bouffée de votre air. Voilà ! cela va mieux. Merci.

— Me voici promue médecin ! Après ce que vous venez d’en dire ?

— Médecin, non pas. Médecine. Oxygène.

— Vous avez une façon de traiter les gens !

— C’est ainsi que je les classe : inspiration, expiration : ceux qui renouvellent, et ceux qui tuent, ceux qu’il faut tuer.

— Qui voulez-vous tuer encore ?

— Encore ! releva-t-il. Vous trouvez que j’ai assez de mes malades ?

— Non, non, c’est malgré moi, dit Annette en riant. C’est le vieux sang classique… Mais puis-je vous demander, quand je vous ai rencontré, à qui vous en aviez ?

— J’aimerais autant l’oublier, maintenant que je suis avec vous. En deux mots, il s’agit d’un îlot de maisons insalubres, où depuis le Roi malpropre, Henry de la poule-au-pot, on cultive le cancer et la tuberculose. Rendement perfectionné : dans les vingt derniers ans, du 80%. J’avais saisi de l’affaire le comité d’hygiène, exigé des mesures radicales : l’expropriation et la démolition. On paraissait d’accord, et l’on m’avait demandé de rédiger un rapport. Le rapport fait, j’arrive, et je trouve les oracles retournés… « Rapport impressionnant, cher éminent collègue, beau document, il faut voir, nous verrons, ces morts sont morts, vraiment, sont morts dans leurs maisons, mais sont-ils morts vraiment par le fait de leurs maisons ?… » L’un me sort des certificats — (confectionnés comment ?) — établissant, avec la complicité de familles achetées par le propriétaire,