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Dès que l’état d’Annette commença d’être visible, Sylvie obligea sa sœur à s’éloigner de Paris. C’était le début de l’automne ; les amis en vacances ne tarderaient pas à rentrer. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, Annette n’opposa point de résistance. Elle n’avait pas peur de l’opinion ; mais toute cause de dissentiment, à cette heure, lui eût été intolérable : que rien ne troublât son harmonie !

Elle se laissa conduire par Sylvie à une station de la Côte d’Azur ; mais elle n’y resta point. Elle n’y trouvait pas le recueillement. Le voisinage de la mer lui causait un malaise. Annette était une terrienne ; elle pouvait admirer l’océan, mais elle ne pouvait vivre en familiarité avec lui ; elle subissait la fascination violente de son souffle ; mais ce souffle ne lui était pas bienfaisant : il réveillait en elle trop de troubles cachés, il en faisait surgir qu’elle ne voulait pas connaître… Pas encore ! Pas maintenant !… Il est des êtres qu’on n’aime pas, dit-on, parce qu’on craint de les aimer — (et donc, parce qu’on les aime ?) — Annette se défendait contre la mer, parce qu’elle se défendait contre elle-même, contre une Annette dangereuse, qu’elle tenait à éviter…

Elle remonta vers le nord, près des lacs de Savoie ; et dans une petite ville, au pied des monts, elle prit ses quartiers d’hiver. Sylvie ne fut avertie qu’après installation. Retenue à Paris par son métier, elle ne pouvait faire, de loin en loin, que de brèves visites ; et elle s’inquiéta de savoir Annette seule, dans cet endroit perdu. Mais Annette, en ce temps, ne pouvait se trouver assez