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Réaction contre les duperies du cœur, — mon cœur maudit, qui n’est là que pour me leurrer !… Ma tête et mes sens veulent et savent. Mon cœur est un aveugle. À moi, de le mener !… Réaction contre l’amour, et contre le sacrifice, et contre la bonté…

Il y a dans la vie de chacun, comme dans la vie sociale, des modes de sentiment, qui se succèdent sans se ressembler. Et même, leur première loi est de ne pas se ressembler. Pendant qu’une mode règne, chacun y participe avec un sérieux entier, n’ayant plus que dédain pour le ridicule des modes périmées, et convaincu que sa mode est, sera toujours la meilleure… Annette passait alors par une mode de dureté…

Mais quel que soit l’habit, l’être humain reste le même. Il ne peut se passer des autres. Le plus fier a besoin de sa part d’affection ; et plus les circonstances l’obligent à se renfermer, plus sa pensée traîtresse conspire à le livrer.

Annette se sentait bien forte. Forte de son expérience et de son intelligence, ferme, pratique, désabusée. Elle était sûre maintenant de vivre à sa volonté, certes, en travaillant ; mais le travail aussi était sa volonté. Elle ne craignait point d’en manquer. Elle n’avait besoin du secours de personne. Et elle ne s’inquiétait point de plaire ou de déplaire.

Elle se trouvait aux prises, depuis peu, avec une nouvelle espèce de concurrents : les hommes. Elle donnait des leçons aux garçons, pour la préparation aux lycées et aux examens. Elle réussissait ; mais avec le succès crois-