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en furent plus ce qu’ils étaient, avant. Il y avait une contrainte dans leurs embrassements. Annette ne le traita plus tout à fait en enfant…

Comment avait-il su ? Des conversations de lycée l’avaient fait réfléchir sur le nom qu’il portait, et qui était celui de sa mère. Des allusions anciennes, attrapées au passage, naguère, à l’atelier, et qu’il n’avait pas comprises, s’éclairaient maintenant. Certains mots imprudents de Sylvie à sa sœur, devant l’enfant… Et l’énigme qu’était pour lui cette mère, qui l’irritait, mais qui le fascinait, par l’aura de passions que, sans pouvoir discerner, son flair de jeune chien avait subodorées… Sur le tout, il avait bâti de vagues et baroques histoires, qui n’arrivaient pas à se tenir d’une façon liée. Sa naissance l’intriguait. Comment savoir ?… La réponse blessante à sa mère était en partie un piège qu’il lui tendait… Dans son cœur, se mêlaient curiosité et rancune à l’égard de ce qui s’était passé et qu’il ne savait pas. Jamais il n’osa faire là-dessus une question à Sylvie : car il avait sa fierté pour sa mère, et il soupçonnait qu’elle avait eu des torts. Mais il se croyait en droit de lui en vouloir, pour le grave secret qu’elle lui cachait. Ce secret était entre elle et lui comme un étranger.

Un étranger, vraiment. Marc ne se doutait guère qu’à des instants, il le faisait surgir aux yeux d’Annette, l’étranger, — son père — bien pis, les Brissot ! Car, dans le sourd combat qui se poursuivait désormais entre la mère et le jeune garçon, celui-ci faisait, d’instinct, arme de tout ce qu’il trouvait, dans sa propre nature, d’opposé à Annette. Ainsi, sans le savoir, il déterrait parfois et employait contre elle des traits empruntés au fonds Brissot : le fameux sourire condescendant, cette satisfaction de soi, ce philistinisme badin, dont rien ne pourra ébranler la certitude hostile ! Une ombre, un reflet sur l’eau. Annette les reconnaissait, et pensait :

— Ils me l’ont pris !…