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son fils la blessait aux larmes. Elle ne le montrait point ; mais il n’en ignorait rien. Il continuait : on eût dit qu’il cherchât ce qui pouvait déplaire à sa mère.

Il eût rougi de se conduire ainsi avec des indifférents. Mais elle, ne lui était pas, certes, indifférente ! Il tenait à elle, — et comment ! Comme le fruit vivant qui, quand l’heure est venue, s’arrache au ventre de la mère. Il est fait de sa chair ; et pour la faire sienne, cette chair, il la déchire.

Marc avait bien des éléments qui appartenaient à la nature d’une autre race que la race maternelle. Mais l’étrange ! ce n’était pas par ces éléments différents qu’il entrait le plus en conflit avec sa mère, c’était par ceux qui lui étaient communs avec elle. Car son désir jaloux d’indépendance ne possédait pas encore une personnalité qui lui appartînt en propre ; et toute ressemblance avec sa mère lui semblait un danger d’annexion. Alors, pour se défendre, il se faisait différent. Quoi qu’elle dît, quoi qu’elle fît, il était le contraire. Parce qu’elle était aimante, il se faisait insensible ; confiante, renfermé ; passionnée, froid et tranchant. Et tout ce qu’elle combattait, tout ce qui répugnait à la nature d’Annette — (ah ! comme il le connaissait !) — lui devenait attrayant ; et il se dépêchait de le faire savoir à Annette. Puisqu’elle se piquait de morale, ce moutard trouva élégant de se croire amoraliste, et surtout de le proclamer :

— La morale, c’est une invention…

avait-il déclaré à sa mère. Et la crédule Annette l’avait pris au sérieux. Elle l’attribuait à l’influence déplorable de Sylvie, qui s’amusait à jeter le trouble dans le petit cerveau sagement cultivé… Vlan dans les platebandes ! une poignée de graines folles ! Et le peigne à rebrousse-poil sur les allées ratissées !… Elle ne manquait pas de bonnes raisons pour se persuader qu’elle agissait dans l’intérêt de l’enfant… « Ce pauvre petit, mis en serre, comprimé dans une caisse !… Nous allons le dépoter !… »